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Live reports / 26.08.2011

FESTIVAL BLUES EN LOIRE

VENDREDI 26 AOÛT

Retardé sur la route par un gros orage, je ne suis arrivé à La Charité que pour l’accord final du concert de Nico Duportal & his Rhythm Dudes (Simon Boyer, Thibaut Chopin, Jean-Marc Labbé, etc.). Je n’ai croisé que des visages souriants et entendu que des commentaires enthousiastes sur sa prestation "rhythm’n’roll" que j’imaginais à l’image du CD qui m’avait accompagné durant mon voyage, "Goin’ Back To Ya".

Renaud Patigny

Les concerts du Cellier des moines à La Charité rappellent ceux au château de Cognac par leur cadre et leur chaleur intimiste. Le pianiste belge y présentait avec sa verve coutumière un set consacré essentiellement au boogie-woogie, mais aussi à d’autres "obédiences" comme le ragtime, le jazz (Mary Lou Williams) ou un blues plus moderne (Harley riders !). Variété donc, mais avec retour constant aux fondamentaux du boogie et ses maîtres, Albert Ammons, Meade Lux Lewis et Pete Johnson. Renaud Patigny a le don de captiver son auditoire tant par sa technique et son swing que par ses présentations drôles qui tiennent notre attention toujours en éveil.

C’est la salle de la Halle aux grains qui accueille, comme l’an dernier, les concerts du soir. Moins grande que le chapiteau des années antérieures, elle est vite pleine.

Hush

Certains membres de Marvelous Pig Noise se retrouvent dans ce nouveau groupe composé d’un batteur, d’un tubiste et de deux guitaristes, dont l’excellent Pierre Citerne. Si les vocaux semblent toujours soignés, il est pourtant difficile de les apprécier tant ils sont noyés dans les décibels d’une sono assourdissante. Et quand des spectateurs s’en plaignent, le leader répond laconiquement que, sur scène, c’est cool ! Un détail, le groupe avait amené son propre sonorisateur… On reconnaît à peine Yes we can can ou Down in Mississippi et on se réfugie au bar moins exposé aux intempéries soniques.

Tré & The Blues Knights feat. Lady Kat

C’est Fred Brousse qui ouvre avec un long solo d’harmonica démonstratif et efficace à travers une sono redevenue audible. Il passe ensuite à la guitare avant d’annoncer la "star du South Side", Tré. Celui-ci a belle allure : costume blanc avec croix en perles dans le dos, chapeau à large bord et regard de braise… A la guitare, il impressionne par un jeu plus spectaculaire que précis, mais ça fonctionne, et son chant est indiscutablement "noir". Le fils de L.V. Banks, sans révolutionner le Chicago blues, offre l’image d’un blues brillant et festif. Aucune raison de bouder son plaisir, on se laisse prendre au jeu, d’autant que Fred Brousse le seconde parfaitement à la guitare et que ses camarades sont au diapason. Leur version de Don’t cry no more sera particulièrement réussie. La tension monte d’un cran avec l’arrivée de Lady Kat, une accorte jeune femme aux cheveux ras, bottée de cuissardes rouges et au déhanchement suggestif dans un Rock me baby fort explicite. Son chant renvoie directement à Koko Taylor, ce qu’elle confirmera en revenant (avec une nouvelle tenue) chanter Wang dang doodle. Entre temps, Tré aura joué la carte soul (My girl) et celle de la joute guitaristique avec Fred. Un show de deux heures, qui aurait pu être resserré, mais élaboré avec soin, servi par des interprètes convaincants et achevé aux accents de Sweet home Chicago.


Tré à la guitare et Fred Brousse à l'harmonica


Tré


Lady Kat

 

Nico Duportal et ses Rhythm Dudes chauffent depuis longtemps le Cellier au moines lorsque le concert de la Halle aux grains se termine. Jump blues, r&b et rock and roll sont au centre des débats avec le groupe de base et les musiciens de passage sont toujours les bienvenus pour "taper le bœuf".


Nico Duportal


Thibaut Chopin, ici à harmonica mais aussi contrebassiste et guitariste


Simon Boyer

SAMEDI 27 AOÛT

Le premier concert de la journée est prévu à 11 heures devant le bar du Centre avec Blues in Veins. A l’arrivée, c’est Thierry Anquetil qu’on a la surprise de retrouver accompagné d’un jeune guitariste rythmique. Son répertoire Chicago blues et son flegme goguenard permettent de démarrer en douceur la journée.

 

Bill Sims Jr.

Curieux personnage, auteur d’un album remarqué en 1999 pour une major (Warner) et dont on n’a guère eu de nouvelles depuis. Costume et casquette gris, c’est un sémillant sexagénaire qui arrive, à 14 h 30, sur la petite scène du Cellier des moines, belle salle voûtée et enterrée où Le Chat Musiques organise toute l’année ses concerts de blues. Bill Sims va offrir à une bonne centaine de privilégiés (on a refusé du monde) une sorte de panorama du blues, des work songs à la soul de Sam Cooke. Avec naturel, sans esbroufe, accompagné de sa guitare acoustique, il évoque le Mississippi de Charley Patton, les chain gangs des prisonniers, le gospel et Mississipi John Hurt. Il passe au piano (son premier instrument) et impose un traitement très personnel à Key to the higway, Tipitina et à St. James infirmary dont il donne une splendide version mâtinée de Beethoven. Sa belle et chaleureuse prestation se terminait sur Good night Irene alors que l’ouragan du même nom menaçait New York, sa ville !

 
Bill Sims


Bill Sims

Loretta, Tia et les autres…

Les dames sont à l’honneur cet après-midi. Tout d’abord Loretta qui avec ses très Bad Kings revisite avec la gouaille voulue le répertoire des "souris et des chattes" des années 1940-60, entre blues et rock’n’roll. En plus de chanter avec l’autorité nécessaire, Loretta se distingue à l’harmonica dans une veine "jimmyreedienne". Derrière elle, ça assure vraiment avec la guitare tout terrain d’Anthony  Stelmaszack, la basse dansante de Mig Toquereau et les tambours concis d’Andy Martin.


Loretta


Anthony  Stelmaszack


Mig Toquereau

J’ai loupé un peu plus tard Tia & The Patient Wolves dans la même salle, mais des espions dignes de foi m’ont affirmé que la belle Clermontoise avait donné une bonne prestation orientée Chicago blues avec quelques incursions r&b du côté de James Brown et la complicité de Cédric Le Goff à l’orgue, Stéphane Manaranche à la basse et Hafid Saïdi aux drums.

 
Tia

Awek

Retour à la Halle aux grains pour le concert final. Awek est devenu un des groupes phare de la scène française. Il suffit de les avoir vus une fois pour comprendre pourquoi, même si l’on se demande ce qu’il faut admirer d’abord : l’harmonica précis et virtuose de Stéphane Bertolino, le drive irrésistible de la rythmique de Joël Ferron (basse) et Olivier Trebel (drums) ou la guitare inventive et lumineuse de Bernard Sellam. Tout cela sans doute. Awek n’a pas son pareil pour faire monter la tension au fil de solos toujours plus excitants, poussés par une batterie qui sait ce que swinguer veut dire. Puisant dans leurs sept albums, ils se concentrent sur des compositions personnelles qui évoquent parfois Jimmy Reed, Chuck Berry ou Slim Harpo. Si l’on pense aux meilleurs groupes swing blues californiens, Awek ressemble surtout à lui-même.

 
Bernard Sellam


Stéphane Bertonlino

Eddie C. Campbell

Le "king of the jungle" n’en est pas à sa première expérience avec le groupe réuni par son tourneur, Jean-Pierre Duarte. Ce dernier à la guitare rythmique a recruté un solide combo capable de répondre à toutes les sollicitations : Ludovic Binet aux claviers, Jean-Marc Despeignes à la basse et Pascal Delmas à la batterie. Si Campbell possède un large répertoire et peut aborder tous les genres (le jazz avec Summertime, le funk avec Sex machine ou le West Coast blues avec River’s invitation), c’est dans le Chicago blues tendance West Side qu’il se distingue particulièrement avec ses propres œuvres (King of the jungle) et des reprises stylées de Magic Sam et Otis Rush, période Cobra. Comme il ne néglige pas le côté entertainer (blaguant sur sa dent cassée ou jouant avec les pieds), son show est varié, vivant et satisfait l’amateur chevronné comme le néophyte.


Eddie C. Campbell


Eddie C. Campbell et Jean-Pierre Duarte
 

Il concluait avec panache une bien belle édition de Blues en Loire, le festival qui monte (sans rien perdre de son essence) et qui se surpassera sûrement l’an prochain pour son dixième anniversaire. Ce sera, comme d’habitude, le dernier week-end d’août. Qu’on se le dise !

Texte Jacques Périn – Photos Christian Mariette