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Hommages / 09.03.2020

Little Charlie Baty (1953-2020)

Émigrée de l’Alabama où Charles est né en 1953, la famille Baty s’établit en 1961 à Sacramento, capitale de la Californie. Personnalité complexe, Charles se révèle être doué pour les mathématiques étudiées à la célèbre université de Berkeley et… à l’harmonica blues, dont Rick Estrin disait qu’il y était bon.

Il fonde le Charlie Baty Blues Band avec Kenny Ray Ladner, dit Kenny “Blue” Ray, un guitariste soliste non chanteur qui enregistrera de nombreux CD et influencera Charlie Baty à se tourner vers la guitare. Tous les styles le passionnent mais sa préférence va davantage au swing jump de Tiny Grimes, en passant par Charlie Christian, Django Reinhardt et autres T-Bone Walker, ce qui ne l’empêche pas de connaitre par cœur le style Chicago des Louis Myers, Robert Lockwood Jr, Jimmy Rogers et consorts. Il lui faut donc trouver un chanteur-harmoniciste.

C’est via Gary Smith, le “père” de l’harmonica blues dans la baie de San Francisco, qu’il téléphona, vers 1973, à Rick Estrin, alors entre deux voyages à Chicago et en pleine dérive sanitaire. Il finit par le rencontrer dans un club de Sacramento et lui laissera son numéro de téléphone, écrit sur une pochette d’allumettes. Touchant le fond de la dépendance, c’est cette invitation et l’écoute d’un 45-tours rare de Little Walter qui décideront Rick Estrin à s’en sortir. Devenus Little Charlie & The Nightcats, ils écument les bars de la région et attirent l’attention de Bruce Iglauer, qui pressent leurs potentialités.

Little Charlie and the Nightcats

Leur premier LP Alligator, “All The Way Crazy” (1986) se distingue du “harp blues boom” californien par le haut niveau des compositions-vignettes d’Estrin, emballées par une guitare inventive et sophistiquée mais qui reste excitante. Les différentes sections rythmiques de leur histoire commune seront toujours au diapason de leur dynamisme, sans compter les pochettes humoristiques et attractives. Leur synergie est parfaite, entre un Estrin, ex-délinquant de ghetto en zoot suit clinquant et un Charlie Baty introverti, au look gominé rocker ‘50s, qui vous troussait d’improbables solos swings en crescendo, riches de son immense culture musicale. À chaque prestation live, on se régalait.

En 2008, face la fatigue d’innombrables tournées internationales, de clubs revisités, l’envie d’explorer davantage le jazz et le multiculturalisme, la montée des ego (le guitariste se déplaçait seul en voiture tandis qu’Estrin se plaignait d’un manque de reconnaissance, les spectateurs s’imaginant que Little Charlie, c’était lui !), Baty fait une pause et se retire. Sa première production en solo désarçonne et coule dans l’indifférence. Une autre, en trio fondé sur un Hammond B-3, ne rencontre pas son public. Quel plaisir alors de le retrouver tel qu’on l’aimait en invité de Sugar Ray Norcia, Mark Hummel, J.W. Jones… Je lui vois trois successeurs qui me font autant saliver de bonheur : Kid Andersen, Doug Deming et Joel Paterson.

Texte : André Hobus
Photo d’ouverture : Little Charlie Baty et Rick Estrin, Spring Blues, Écaussinnes, Belgique, 1997. © Pierre Degeneffe

Little Charlie Baty et Rick Estrin, Spring Blues, Écaussinnes, Belgique, 1997. © Pierre Degeneffe
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