;
Hommages / 01.04.2019

Abb Locke, 1934-2019

Un peu plus d’un an après Eddie Shaw, Abb Locke s’est donc éteint le 9 mars 2019, à l’âge de 84 ans. Il était le dernier représentant de cette génération de grands saxophonistes qui imposèrent leur présence dans le Chicago blues moderne, surtout à partir des années 1960. Il a accompagné plusieurs figures du genre, mais un peu inexplicablement, on le connaît moins que ses pairs, comme Shaw, donc, ou bien A. C. Reed. Comme s’il était écrit qu’il devait rester dans un relatif anonymat. Allez voir, par exemple, la fiche Wikipedia de sa ville de naissance en Arkansas, Cotton Plant, et consultez la liste des personnages notables (“Notable people”) de la ville : vous y trouverez deux politiciens, un basketteur professionnel, et surtout Sister Rosetta Tharpe et Peetie Wheatstraw, nés ici. Mais aucune mention d’Abb Locke, qui a pourtant bien vu le jour en ces lieux le 25 août 1934… Il y passe son enfance, et comme bon nombre d’Afro-Américains de son âge, travaille très jeune aux champs autour de la ferme de ses parents et va à l’école irrégulièrement.

Même si Cotton Plant se trouve un peu à l’ouest, cette région de l’est de l’Arkansas, entre Helena et West Memphis, proche de celle du Delta au Mississippi dont elle est simplement séparée par le fleuve du même nom, est particulièrement propice au développement du blues dans les années 1940. Locke y croise donc certainement des musiciens, mais il est davantage fasciné par le saxophone que la guitare ou l’harmonica… Même si c’est toujours une épreuve, la séparation de ses parents, qui se traduit par un déménagement avec sa mère à Memphis, lui permet d’assouvir sa passion. Tout en étudiant au lycée, il fréquente les saxophonistes de jazz George Coleman et Hank Crawford, et devient assez compétent pour commencer à se produire et apparaître à la radio, peut-être avec B.B. King en quelques occasions. Puis il prend la route du nord pour arriver comme tant d’autres à Chicago.

Dans les années 1950, le blues moderne connaît ce fameux âge d’or synonyme de nombreuses opportunités d’engagement, à condition toutefois d’avoir du talent et de se faire une place au sein d’une rude concurrence. Locke répond à ces critères, et il profite aussi des circonstances, car les saxophonistes sont de plus en plus demandés à la fin des années 1950. Il va donc accompagner de grands bluesmen, dont Howlin’ Wolf dès 1958 (mais aussi Harold Burrage), puis Buddy Guy, Otis Rush, Albert Collins, Eddy Clearwater, Lonnie Brooks, Koko Taylor, Maurice John Vaughn, entre autres, sans compter des apparitions prestigieuses, notamment au Carnegie Hall avec les Rolling Stones. Comme c’est couramment le cas pour des artistes avant tout accompagnateur, Abb Locke va peu enregistrer sous son nom, hormis un single en 1983 avec Otis Rush chez Rooster, et un album autoproduit en 1989, “Big City Blues”. Il apparaît aussi avec le même titre (Honky tonk)sur les compilations “American Livin’ Blues Festival” (Paris Album, 1982) et “Life in Blues” (EPM, 1992). En fin de carrière, il deviendra le saxophoniste attitré du chanteur et guitariste Dave Weld et ses Imperial Flames, avant de souffrir de la maladie d’Alzheimer durant ses dernières années.

Texte : Daniel Léon
Photos © Brigitte Charvolin

Abb LockeAlbert CollinsbluesBrigitte CharvolinBuddy GuyChicagoDaniel LéonDave WeldEddy ClearwaterKoko TaylorLonnie BrooksMaurice John VaughnOtis Rushsaxophone