Mécleuves Terre de Blues 2025
25.09.2025
;
11 et 16 juillet 2025.
Ce mardi, c’est une grande dame du jazz vocal qui ouvre la soirée. Dianne Reeves a été en effet considérée comme l’héritière logique de Carmen McRae ou de Dinah Washington et c’est un set de grande classe, sans artifices que la chanteuse propose. Mais l’absence d’actualité discographique, son dernier album remontant à 2013, empêche toutefois une connexion immédiate avec le public de Juan, connaisseur et attentif qui l’avait vu ici même il y a déjà 20 ans ! Accompagnée par un quartet impeccable, John Beasley au piano, Reuben Rogers contrebasse et basse électrique, Terreon Gully batterie et Chico Pinheiro guitare, elle parcoure son large répertoire, entre ballade langoureuse et scat dynamique. Le public est admiratif, certes, mais la prestation reste peut-être un peu distante et convenue.
À l’extrême inverse, l’arrivée sur scène en deuxième partie de soirée de Jamie Cullum est accueillie avec enthousiasme par un public dont visiblement une bonne partie est venue ce soir-là pour lui. Le pianiste et chanteur va proposer un set très varié, parfois déroutant, mais incontestablement hyper dynamique, comme à son habitude, devant un public de fans qui chantent avec lui. Un show de Jamie Cullum, c’est de l’énergie pure alimentée par un talent musical immense, entre jazz et pop rock. Beaucoup de standards, certes, comme I get a kick out of you, Singing in the rain ou What’d I say, mais force est de constater que le résultat est là, les spectateurs sont debout, certains dansent devant la scène et le show va durer deux heures… conclu finalement par deux rappels. Un artiste à voir sur scène tant le spectacle est impeccable musicalement et irrésistible émotionnellement !
Le vendredi voit la bassiste et chanteuse Meshell Ndegeocello ouvrir la soirée et elle consacre son set à “No More Water: The Gospel Of James Baldwin”, album de 2024 dédié à cet écrivain afro-américain engagé qui vécut non loin de Juan, à Saint-Paul-de-Vence où il est décédé en 1987. Le propos n’est pas léger, sexualité, racisme et oppression sont certains des thèmes au cœur des titres joués ce soir et il n’est pas sûr qu’une grande partie du public parle américain couramment ou même sache qui est James Baldwin… Musicalement, l’ambiance générale se situe entre jazz, hip-hop et musiques africaines et Meshell est visiblement très absorbée par son sujet, ne rayonnant pas la joie ou la bonne humeur. Son groupe comprend une bonne partie des musiciens du disque, avec Christopher Bruce (guitare), Justin Hicks (chant), Jebin Bruni (claviers) ainsi que Jake Sherman (orgue) et la rythmique Kyle Miles (basse) et Abraham Rounds (batterie), excellents dans cet exercice de vulgarisation du propos de leur leader. Iconique, incontournable, peut-être, mais Meshell Ndegeocello ne peut clairement concerner qu’un public averti, peut-être pas celui de cette soirée.
L’accueil réservé à l’inévitable Gregory Porter pour la deuxième partie de soirée confirme que le public du jour est venu chercher chaleur, groove et séduction, ce que va effectivement proposer cet artiste si apprécié et souvent vu en France. Son set sera d’ailleurs une très bonne surprise, car 15 ans après ses débuts et l’album “Water”, Gregory Porter a prouvé à Juan sa passion intacte pour son art entre jazz à la Nat King Cole et soul à la Marvin Gaye. Poussé par un groupe parfait, il a même semblé un peu durcir le ton de sa musique, c’est plus funky, plus dansant. Porter est possédé par son art et le côté soul l’emporte sur la fin du set, nous emmenant quelque part du côté des meilleures périodes d’un Donny Hathaway ou d’un Marvin Gaye. Au final, un des meilleurs concerts vus en 2025 !
Texte : Éric Heintz
Photos © Fred Laurès et Margot Igersheim / Jazz à Juan
Photo d’ouverture © Fred Laurès / Jazz à Juan