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Live reports / 15.08.2025

Nice Jazz Fest 2025

24 au 27 juillet 2025.

Le plus vieux festival de jazz au monde (depuis 1948 avec Louis Armstrong) est assurément l’un des plus intéressants du genre en France. Un site exceptionnel, entre Place Masséna et Promenade des Anglais, qui réussit à être confortable et convivial, et accueille un public très varié, et c’est d’ailleurs là peut-être la première réussite du festival et de ses organisateurs, avec record de fréquentation battu cette année avec près de 44 000 spectateurs en quatre jours.

Présent les trois premiers soirs, votre serviteur a eu d’abord confirmation sur la grande scène du statut mérité de tête d’affiche de Raye, diva cabotine, mais crédible, dont le set a toutefois été en partie gâché par un volume sonore trop élevé et un mix clinquant ne permettant pas d’apprécier son big band tel qu’on l’entend sur le “Live At Montreux Jazz Festival”

Succès populaires prévisibles pour Lamomali avec M, le jeudi, et pour Masego, touche-à-tout hyperdoué, jazz, pop, hip-hop et Jamaïque se mêlant avec efficacité pour donner un set hyper dynamique, ou encore Jorja Smith, charmeuse et si britannique, avec son R&B de grande classe, tous deux le samedi soir.

Raye
Raye
Masego
Jorja Smith

Mais la surprise vint du Théâtre de Verdure où se croisèrent espoirs confirmés (Nubya Garcia, Tyreek McDole, Jalen Ngonda) et vieux routiers du jazz. Et comme Nice est une ville de jazz, le petit théâtre en plein air aura été proche de la saturation, les spectateurs étant venus en grand nombre écouter cette musique qu’ils affectionnent et connaissent parfaitement. Du coup, les trois sets les plus passionnants de ces trois soirées, portés par d’immenses talents et une énorme joie de jouer, auront été le fait de deux trios et un quartet. 

Nubya Garcia
Tyreek McDole

Ce quartet, c’est celui du guitariste John Scofield avec John Medeski à l’orgue accompagnés par Vicente Archer à la contrebasse et du nouveau venu Ted Poor (ex-Scary Goldings) à la batterie, qui s’est attaché patiemment à déconstruire quelques classiques de l’americana dans la foulée de ses deux derniers albums, agrémentant le set de quelques classiques de sa copieuse discographie et de nouvelles compos des deux John. Passionnant et joyeux !

Les deux trios ont fait très forte impression, tout deux pour des hommages rendus, l’un à Oscar Peterson, l’autre à Ray Brown, soit le jazz classique des sixties. Cela aura été d’abord celui du prodige Sullivan Fortner, déjà présent la veille avec son propre groupe, mais accompagné ce jeudi par la meilleure section rythmique swing au monde, Jeff Hamilton à la batterie et John Clayton à la contrebasse (Monty Alexander, Quincy Jones, Diana Krall…), pour un trio qui proposa une relecture de compos de Peterson pas toujours parmi les plus connues, mais choisies avec gout et érudition. Swingant et classe !

Jeff Hamilton, Sullivan Fortner, John Clayton
Jeff Hamilton, John Clayton, Sullivan Fortner

Le sommet sera atteint le vendredi avec un autre trio, celui mené par le grand Christian McBride à la contrebasse entouré de Benny Green au piano et de Gregory Hutchinson à la batterie. Hommage au contrebassiste Ray Brown, mentor de toute une génération de jazzmen américains, compositeur et arrangeur talentueux, avec là encore un choix de reprises pas forcément évidentes ! La décontraction, la facilité, la joie de jouer associées au talent hors norme des trois hommes a tout à coup fait aimer le jazz à tout le public présent et les plus connaisseurs admettaient avoir assisté à un concert rare dans un cadre qui plus est magique !

Benny Green, Christian McBride, Gregory Hutchinson

Deux mentions spéciales pour conclure : l’hommage (encore) à Charlie Parker mené par le jeune contrebassiste français Édouard Pennes (avec Bastien Brison, piano, David Paycha, batterie et Giacomo Smith, saxophone) qui a eu l’audace d’associer un ensemble de cordes de sept musiciens à son trio pour rejouer le disque “Charlie Parker With Strings”, nostalgique, désuet peut-être, mais parfait !

Jalen Ngonda a quant à lui confirmé son statut d’étoile montante en faisant rapidement se lever, toujours au Théâtre de Verdure, une bonne partie du public, la plus jeune, avec sa voix d’ange, mais aussi une approche rythmique originale et surtout un jeu de guitare déroutant (on pense notamment à Robert Ward et à David Byrne) qui confère originalité et dynamisme à ses compos. On est curieux de la suite qu’il donnera à sa carrière. 

Jalen Ngonda
Jalen Ngonda

Un grand et beau festival à ne pas manquer, il ne reste plus qu’à réintégrer le blues au programme et tout sera parfait. Rendez-vous en 2026 !

Texte : Éric Heintz
Photos © Frédéric Ragot