Cahors Blues Festival
24.07.2025
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7 juillet 2025.
C’est l’un des plus jolis coups soul et funk de l’été – la première apparition sur une scène française de War depuis bien longtemps ! – et le New Morning n’est pas loin d’être complet pour l’occasion.
Passons tout de suite au sujet qui fâche : le groupe qui se présente ce soir sous le nom de War n’a que peu à voir avec celui qui a Slippin’ into darkness ou The world is a ghetto, et, si la tournée est présentée comme le Why Can’t We Be Friends 50th Anniversary Tour, il n’y a sur scène qu’un seul des musiciens qui apparaissent sur cet album, le clavier et chanteur Lonnie Jordan. Dans les années 1990, en effet, les membres originaux du groupe, parmi lesquels le guitariste Howard E. Scott, l’harmoniciste Lee Oskar et le batteur Harold Ray Brown, ont été renvoyés par le manager historique du groupe, le peu recommandable Jerry Goldstein, pour avoir tenté de prendre leur indépendance. Depuis cette date, les musiciens n’ont plus le droit d’utiliser le nom du groupe, propriété exclusive de Goldstein, et sont obligés de se produire sous le nom du Lowrider Band, tandis que Lonnie Jordan mène seul la version officielle du groupe, qui est composée de musiciens sans lien particulier avec son histoire (Salvador Rodriguez à la batterie, Alfred Camacho à la basse, James Baker à la guitare, Marcos Reyes aux percussions, Scott Martin à la flute et au saxophone, Mitch Kashmar à l’harmonica), même si Sal Rodriguez apparaît sur “Peace Sign”, le dernier disque enregistré avec les membres originaux sorti il y a trente ans.
Depuis cette date, le groupe n’a pas publié d’album studio, et le titre le plus récent joué par l’ensemble a déjà 40 ans… Sans surprise, c’est donc une setlist de tubes, du premier, Spill the wine, gravé avec Eric Burdon en 1970 à l’hymne Low rider sorti en 1975, qui est jouée ce soir. Les classiques sont là : Me and baby brother en ouverture, Slippin’ into darkness, The world is a ghetto, dédié à B.B. Dickerson, le bassiste original décédé en 2021 et le seul historique mentionné par Jordan durant le concert, The Cisco kid, Gypsy man, qui fait office de rappel et évidemment le très attendu Why can’t we be friends?, sur laquelle les différents musiciens partagent le chant avec Jordan. Quelques titres moins évidents s’y ajoutent, comme Galaxy (avec quelques couplets de We’ve got the power), Ballero (un titre de leur album live de 1973), ou le tardif Groovin’, extrait de l’album de 1985 “Where There’s Smoke”. Le groupe ne manque pas de générosité, et offre une prestation de près de deux heures sans entracte.
Hélas, si le répertoire est à la hauteur des espoirs, ce n’est pas le cas du groupe lui-même et au premier rang duquel de son leader. Sans doute un peu trop habitué du circuit oldies et des casinos américains, c’est une prestation en pilote automatique que livre Jordan, qui enchaîne les blagues téléphonées et semble préférer se trémousser plutôt que de jouer. À l’exception de Mitch Kashmar, entendu avec les Mannish Boys et responsable de plusieurs albums sur Delta Groove dans les années 2000 et 2010, qui évoque avec succès l’esprit de Lee Oskar, les autres membres du groupe manquent de prestance – la palme aux solos remplis de clichés de James Zota Baker – et le son de l’ensemble est bien éloigné de celui du groupe historique. Cela n’empêche pas la majorité du public de goûter au plaisir d’entendre enfin en live le fantastique répertoire de War, mais reste très frustrant. L’ensemble des membres originaux survivants se sont récemment retrouvés pour leur première apparition publique depuis fort longtemps à l’occasion de l’installation d’une étoile au nom du groupe sur Hollywood Boulevard, ressuscitant les espoirs de réunion, mais l’omniprésence de Jerry Goldstein et les rancœurs tenaces rendent l’hypothèse très hasardeuse.
Texte : Frédéric Adrian