Chicago Blues Festival 2025
28.07.2025
;
2 juin 2025.
Un peu à l’écart des lumières médiatiques, le Caveau de la Huchette continue à proposer chaque soir de la semaine une série de concerts mêlant jazz et blues, attirant un copieux public largement touristique – l’effet La La Land, sans doute – et habitués, parmi lesquels de nombreux danseurs chevronnés qui contribuent largement à l’ambiance du lieu.
Musicalement, la programmation réserve une place importante à des artistes résidents qui s’y produisent régulièrement, comme Big Dez ou le pianiste Nirek Mokar, mais s’ouvre aussi à des artistes de passage comme, ce soir et pour trois dates consécutives, la chanteuse originaire de Memphis et basée à Saint-Louis Candice Ivory, qui y faisait ses premiers pas sur une scène française, 20 mois après la sortie de son très remarqué “When The Levee Breaks”, consacré à la musique de Memphis Minnie. Pour l’occasion, elle est associée au pianiste de Cincinnati Ben Levin (entendu notamment avec John Primer, Bob Corritore et Lil’ Jimmy Reed, et avec qui elle a déjà enregistré), tout deux accompagnés par ce que la salle présente à juste titre comme “la dream team française du blues”, à savoir Stan Noubard-Pacha, Thibaut Chopin et Simon Boyer. Visiblement, les répétitions ont été minimales, et Ben Levin doit indiquer entre les morceaux le rythme et la tonalité, mais rien de cela ne nuit à la prestation d’ensemble.
C’est Ben Levin qui ouvre la soirée avec une demi-heure de blues et de boogie, entre Memphis Slim et Professor Longhair (sifflements compris). L’ensemble, correctement chanté, est très réussi à défaut d’être particulièrement distinctif, mais il faudrait être de mauvaise volonté pour ne pas y goûter tant ce registre est peu courant sur nos scènes, particulièrement à ce niveau de maîtrise.
Candice Ivory traverse ensuite la foule dense pour rejoindre la scène. Le look est vintage, avec une tenue très élégante qui évoque le style des classic blues singers, mais la musique est contemporaine, tant Ivory fait sien le répertoire qu’elle propose, qui puise dans celui de Memphis Minnie, qu’elle présente comme sa chanteuse de blues préférée, mais aussi ailleurs, par exemple quand elle reprend un titre des Fieldstones en hommage à son oncle Willie Roy Sanders.
Comme elle le démontrait sur son disque, Ivory est à l’aise dans tous les contextes, et le jeu moderne de ses accompagnateurs du soir lui convient autant que le format acoustique dépouillé qu’elle a pratiqué lors de sa tournée espagnole d’il y a quelques semaines et le public, qui n’est probablement pour sa plus grande part pas plus familier de Candice Ivory que de Memphis Minnie, se régale visiblement de ses lectures de Me and my chauffeur ou de World of trouble. Il faut dire que, en plus de sa voix souple et claire, qui n’a pas besoin de convoquer les maniérismes des classic blues singers pour en invoquer l’esprit, Candice Ivory ne manque ni de prestance ni de présence, et son sourire radieux illumine toute la salle.
Les contraintes de la vie réelle m’interdisent de dépasser le premier set, mais ce que j’ai vu suffit à me confirmer dans l’idée que Candice Ivory est une des grandes chanteuses blues du moment, et qu’elle mériterait largement d’être exposée à un plus large public.
Texte : Frédéric Adrian
Photos © J-M Rock’n’Blues
Plus de photos ici.