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Live reports / 15.04.2025

Bobbie, l’Alhambra, Paris, 2025

3 avril 2025.

La France et la country, c’est l’histoire d’une multitude de rendez-vous manqués, entre aprioris et clichés. Il serait déraisonnable de faire peser la responsabilité de faire évoluer cette relation sur les seules épaules de Bobbie, mais la chanteuse, longtemps habituée des premières parties et des festivals, semble conquérir un public de plus en plus important depuis la sortie au printemps 2024 de son premier album, “The Sacred In The Ordinary”, qui lui a notamment permis d’apparaître dans l’émission Taratata, et c’est un Alhambra quasiment comble – ce qui semble la toucher sincèrement – qui l’attend.

En première partie, le chanteur Nick Rich, venu de Floride, propose une demi-heure de pop sans grande personnalité, qu’il fait passer sans ennui grâce à une bonne dose d’humour. En revanche, j’ignore depuis quand il est devenu acceptable qu’une photographe, que je suppose “officielle”, se promène sur scène pendant la totalité d’un show… 

Le temps d’une courte pause et d’une introduction un peu incongrue (et pas totalement réussie) et le rideau s’ouvre. Si Bobbie s’est souvent produite en solo, notamment pour des premières parties, c’est avec un groupe de pointures qu’elle se présente ce soir, avec Michel Amsellem – un ancien des groupes de Johnny Hallyday et Eddy Mitchell, notamment – aux claviers, Glenn Arzel à la guitare, Frantxoa Erreçarret à la batterie, Adrien Corto Perier à la basse et Manu Bertrand à la pedal steel, la principale intéressée étant à la guitare la plupart du temps.

C’est avec deux titres extraits de son EP “An Elegy For”, dont le très beau Lord, qu’elle ouvre le show avant de passer à la chanson-titre de l’album. Vocalement, les références aux grandes voix historiques de la country, dont elle revendique d’ailleurs volontiers l’influence, de Dolly Parton à Emmylou Harris, sont évidentes, mais il me semble aussi entendre dans son chant puissant et clair quelques éléments qui évoquent le versant le plus country de l’œuvre de Bonnie Raitt. Pour marquer ce qui est son premier “gros” concert parisien sous son nom, la chanteuse a invité quelques camarades à partager la scène avec elle et c’est le crooner pop Gaspard Royant qui vient joliment duettiser avec elle sur I need you more than I want you. Par la suite, un trio de choristes gospel dont les noms m’ont échappé vient enrichir quelques titres, et le guitariste Philippe Almosnino, ancien des Wampas et de l’orchestre de Johnny Hallyday apporte une touche d’électricité sur un morceau. 

© Thibaut Saez

Musicalement, Bobbie varie les contextes, passant de l’orchestre au complet au duo avec Michel Amsellem et assurant aussi quelques titres seule, comme le très beau Old mountain music, sur lequel elle cache fort mal une émotion d’ailleurs partagée par la salle. Si le répertoire, qui comprend quelques nouvelles chansons (Everything shall pass et Loveless motel) est essentiellement composé de « chansons d’amour tristes », comme elle le dit elle-même – elle remercie en fin de concert son ex pour l’inspiration ! –, l’atmosphère est plutôt décontractée, et même quelques soucis techniques ne suffisent pas à la désarçonner, d’autant qu’elle sait pouvoir compter sur un public attentif et complice – à l’exception de l’imbécile qui trouve amusant de commenter régulièrement son physique. Sur scène, les chansons prennent une autre dimension, animées par la présence effervescente et le charisme de la chanteuse, qui s’implique très fortement dans ses textes, à l’image du très réussi They don’t show it in movies. Alors que son répertoire scénique inclut régulièrement des reprises, il faut cette fois attendre le final pour la voir se livrer à un emprunt, celui du Let love run the game du Suédois Daniel Norgren, qu’elle partage avec le chanteur Xavier Polycarpe. 

Elle revient seule pour le rappel interpréter Jupiter, une chanson de l’album à laquelle elle s’identifie visiblement, et est rejointe par deux autres voix, celles de Domino Lewis et Chloé Plancoulaine, qui assurent de très belles harmonies vocales sur Chicago. L’orchestre est de retour pour un dernier morceau, l’accrocheur Lifetime, avant que Bobbie ne donne rendez-vous à ses fans dans le hall de la salle pour prolonger une soirée très réussie.

Texte : Frédéric Adrian
Photo d’ouverture © Nicolas Gillet

© Nicolas Gillet