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Live reports / 24.11.2019

24e Nuit du Blues, Zénith, Caen

8 novembre 2019.

Le blues a décidément toute sa place au Zénith de Caen. Et un plateau de qualité a un prix. Revu en nette hausse cette année, le plein tarif du billet est passé de 19 à 30 euros (17 et 27 en tarif réduit). Ce qui n’a pas empêché un bon millier de spectateurs de pousser les portes de cette grande salle habituée à recevoir vedettes de la chanson, comédies musicales et autre tournoi de tennis. Mais le blues est partout où on veut bien lui faire une place. Et en (Basse-)Normandie, on aime aussi laisser le bon temps rouler. Jacques Picard, le président de Backstage, l’association qui organise cette nuit du blues depuis près d’un quart de siècle, possède un vrai talent pour proposer une première partie “made in Normandy” plaisante et originale.

Robert Lenoir & Friends sont une divine surprise. Comment imaginer que ces garçons, actifs dans la région depuis une trentaine d’années, allaient joyeusement et sans complexes nous plonger dans le rhythm and blues des années 1950 et alentours ? Avec cette formation menée par un chanteur-claviériste décontracté et un saxophoniste généreux, on n’est pas au musée, mais à la fête. Il n’est pas question de reproduire note à note des succès de Fats Domino ou Jimmy Reed, mais bien de s’amuser. Et quand le combo entame Who’s been talkin’ de Howlin’ Wolf que je connais via le Robert Cray Band, on aime plus que jamais. Un excellent moment. 

Eric Michel, Robert Lenoir, Fab James, Chris Maillet

Je connais très mal le parcours artistique de Sue Foley, mais je goûte peu les shows des blueswomen aux guitares saillantes. J’ai vu Ana Popovic autrefois, Samantha Fish plus récemment et, comme elles, Sue Foley me semble ce soir obéir à un stéréotype. Jouer fort, d’abord. Ce dont s’est rapidement ouvert un spectateur au énième rang ; et son « moins fort » aura d’ailleurs été rapidement entendu. Parier sur le visuel, ensuite. Plastique et jeux de lumières chatoyants l’emportent-ils sur la musique elle-même ? La patte guitaristique et vocale de la Canadienne installée à Austin, Texas, a pourtant du charme. Elle joue vite et bien, dans la lignée des maître du Texas, et on peut apprécier ses tentatives pour renouveler le genre en acoustique via des influences latines. J’ai eu cependant le sentiment que c’était pour elle une date de plus dans une tournée d’automne chargée. 

Reste l’extraordinaire Chris Cain. Dans Soul Bag, Ulrick Parfum nous parle de ce guitariste et chanteur californien depuis quelques temps. « Qu’un tourneur le fasse venir plus régulièrement en France, et vite ! », écrivait-il dans son “live report” du Porretta Soul Festival de 2018. Cela n’a donc pas tardé, et son association au groupe mené par le guitariste Luca Giordano me plaît beaucoup. B.B. King est clairement l’une des grandes influences de Chris Cain et j’ai apprécié qu’il reprenne l’un de ses titres un peu oubliés des années 1950 (même si je ne l’ai pas précisément identifié …). Il y a du Albert King aussi, pour les solos, longs, généreux, fougueux. Il y a ces attaques incroyables, ces yeux clos et cette guitare si chère que Chris Cain prend dans ses bras et embrasse. Touchant. Emballant. Encore une fois, la Nuit du Blues de Caen est une réussite. Ça valait le coût. 

Chris Cain
Jan Korinek, Fabio Colella, Chris Cain, Luca Giordano, Walter Cerasani

Texte : Julien Crué
Photos © Guy Moraux

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