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Live reports / 08.06.2018

23e Nuit du Blues

L'affiche était riche et prometteuse, le résultat à la hauteur des attentes. Quatre heures de musique variées, inventives et pour une bonne part innovantes, toutes de blues vêtues, un événement unique dans un Zénith, et qui plus est fort bien sonorisé de bout en bout. Amélioration très appréciable par rapport à quelques éditions précédentes. Bravo à l'association Backstage, organisatrice de l'événement, d'avoir relevé le défi ! 

En ouverture, le chanteur et harmoniciste normand Philippe Géhanne et son Tupelo Music Club (deux guitares, basse, batterie) ont concocté un programme blues sur mesure pour la soirée. Souriant et enthousiaste, le leader, qui tourne par ailleurs avec un projet mêlant blues, musiques cajun et réunionnaise, déroule quelques classiques noirs-américains : Let's work together, en ouverture, un Jimmy Reed et un John Lee Hooker participatif plus loin. L'ambiance est à la simplicité et à la fête, avec une invitation à danser le surf (ou le twist), des présentations courtes et jamais pontifiantes des morceaux, un niveau musical dynamique. Une excellente mise en bouche, décontractée. 

 


Philippe Géhanne The Tupelo Music Club

 

 

 

Le guitariste et chanteur Chris Bergson est lui aussi très dynamique et enthousiaste. Il fait l'effort, méritant, de s'adresser au public en français. Et, (bonne) surprise, son jeu de guitare n'abuse ni des effets, ni de l'électricité. En revanche, quelle aisance, quelle dextérité, tant en rythmique quand dans ses solos ! Et son compagnonnage avec le chanteur originaire de l'Alabama, Ellis Hooks, fonctionne très bien. Après une demi-douzaine d'albums solos intéressants dans les années 2000, on avait perdu la trace de cet artiste attachant : il a pris le temps d'élever sa fille, nous dit-il. Il cite Otis Redding et Sam Cooke comme ses deux grandes influences, et d'entrée, cela saute aux yeux et aux oreilles : sa manière d'attaquer ses phrases, ses coups de gorge et sa voix médium rappellent bien le style du Big O.

 


Chris Bergson et Ellis Hooks

 

 

 

 

Pour Sam Cooke, il faudra attendre la reprise d'une belle ballade pour faire vraiment le rapprochement. Piochant aussi dans le répertoire original du dernier disque en date de Bergson, “Bitter Midnight”, le duo, accompagné de trois musiciens français (Philippe Billoin, Philippe Dandrimont et Pat Machenaud), délivre un show sans temps mort. Un bon exemple de ce que propose aujourd'hui le blues. 

 

 

 

 

Tête d'affiche de la Nuit, Selwyn Birchwood a de quoi surprendre et époustoufler. Avec son épaisse chevelure, son large sourire et son allure décontractée, ce trentenaire originaire de Floride a vraiment trouvé son propre style : sa guitare est mordante, sa voix grave et grainée est énorme et son groupe ultra-soudé. Quelle frappe sèche et puissante de la part du batteur ! Quelle assise donnée par le bassiste ! Et quelle formidable présence du saxophoniste baryton (et à l'occasion flûtiste) qui ne cesse de donner la réplique au leader ! Les morceaux, pour une bonne part tirés de l'excellent “Pick Your Poison” paru sur Alligator, sont fort bien écrits, et jamais ils ne s'éternisent dans de longues digressions. 

 


Selwyn Birchwood

 

 

 

 

 

 

Bref, c'est une vraie chance de se voir proposer un tel programme qui, à coup sûr, comble les connaisseurs, et donne une magnifique vitrine à nos musiques préférées. 

Julien Crué 
Photos © Guy Moraux