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Brèves / 12.12.2016

Joe Ligon, 1942-2016

Décédé ce 11 décembre, Joe Ligon avait été à partir des années 1960, avec ses Mighty Clouds of Joy, le symbole d’un gospel moderne, qui ne craignait pas de se frotter aux sons contemporains de la soul et du funk.

Né le 11 septembre 1942 à Troy dans l’Alabama, il s’installe à l’adolescence à Los Angeles. Passionné de chant depuis sa petite enfance, c’est à la Jefferson High School qu’il monte, avec quelques condisciples, les Mighty Clouds of Joy, un quartet inspiré, entre autres, des Blind Boys of Alabama et des Blind Boys of Mississippi. Découverts par Brother Henderson, une personnalité locale du milieu du gospel, le groupe signe avec Don Robey et commence à enregistrer dès le début des années 1960 pour Peacock records. Plutôt inscrit dans la tradition au début, le groupe se spécialise dans les “sermonettes”, ces petites scénettes parlées qui servent d’introduction aux chansons et sur lesquelles la voix de prêcheur de Ligon, dans la lignée de celle de C.L. Franklin, fait merveille.

 


Mighty Clouds of Joy, vers 1961-62. De g. à d. : Elmo Franklin, Joe Ligon, Leon Polk, Johnny Martin, David “Bunker Hill” Walker, Ermant Franklin. © DR

 

Avec le temps, la musique des Mighty Clouds of Joy se modernise, le groupe faisant de plus en plus régulièrement appel à des musiciens issus de la soul et du funk pour les accompagner – au point qu’on parle parfois des “Temptations du gospel”–, sans pour autant renier le message religieux, particulièrement à partir de leur signature, au début des années 1970 avec le label ABC. Ainsi, leur album de 1974 “It’s Time” les voit interpréter un répertoire composé sur mesure par Dave Crawford – collaborateur habituel, à cette époque, de Wilson Pickett et de B.B. King, entre autres – sur un accompagnement fournit par l’élite des artisans du Philly Sound.

 

 

La démarche, audacieuse, ne fait pas l’unanimité dans le monde du gospel, mais elle est consacrée par le public : les Mighty Clouds of Joy sont le premier groupe du genre à être invité dans l’émission Soul Train et leur single Mighty high devient même un tube majeur, au sommet du classement disco de Billboard en 1975 ! Si le succès grand public est éphémère, la notoriété du groupe, qui se produit notamment au festival de Montreux en 1981, ne se dément pas jusqu’à la fin des années 1980, avec des albums – hélas scandaleusement peu réédités – sur ABC, Epic, Myrrh puis Rejoice. Les années 1990 et 2000 sont plutôt moins riches, mais le groupe continue à se produire régulièrement, malgré quelques changements de personnel, et à enregistrer ponctuellement, autant capable d’un retour à ses racines pour le “Live In Charleston” de 1996 que d’être produit par Raphael Saadiq pour ce qui restera son dernier disque (“At The Revival”, 2010). Régulièrement nommés pour les Grammys, le groupe en remporte trois en 1978, 1979 et 1991.

 


Vers 1978-79. De g. à d. : Paul Beasley, Joe Ligon, Johnny Martin , Richard Wallace, Elmo Franklin. © DR

 


Chicago Gospel Festival, 2006 © Brigitte Charvolin

 

 

Au fil des années, Ligon reste fidèle au groupe, ne s’autorisant qu’une excursion en soliste (“Old Revival Back Home”, paru en 1985 sur Myrrh) et sans jamais céder aux sirènes des tentations séculières. Cette relative discrétion n’en faisait pas moins une figure respectée dans le monde du gospel. Considéré comme le meilleur chanteur gospel du monde par Aretha Franklin – qui l’avait invité sur son “One Lord, One Faith, One Baptism” de 1987 –, il avait également donné de la voix sur les disques de quelques-uns de ses confrères, de Candi Staton à Ernie Johnson en passant par Smokie Norful et John P. Kee.
Frédéric Adrian

 


Chicago Gospel Festival, 2006
© Brigitte Charvolin