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Brèves / 17.04.2015

Percy Sledge, 1940-2015

Le décès de Percy Sledge le 14 avril 2015 a fait l’objet d’une couverture médiatique peu courante en France pour les artistes populaires afro-américains. Bien qu’elle se soit logiquement centrée autour de When a man loves a woman, elle témoigne de la popularité persistante d’un artiste qui était encore capable de remplir l’Olympia en 2008.


Baton Rouge, Louisiane, 25 avril 1982. © : Francois Arnault

Percy Sledge est né le 25 novembre 1940  à Leighton, un petit village du nord-ouest de l’Alabama situé au cœur de la zone que l’on appelle « The Shoals ». En parallèle à différents petits boulots, Percy développe vite un intérêt pour la musique et devient l’un des chanteurs principaux d’un des groupes qui animent les fêtes organisées par les fraternités étudiantes, Professor James Richards and the Esquire Combo. Si on en croit l’histoire racontée maintes et maintes fois par Percy Sledge, c’est lors d’un concert de ce type, un soir où il s’était fait larguer par sa petite amie qui souhaitait se lancer dans une carrière de modèle alors qu’il venait de se faire renvoyer de son boulot, qu’il improvise une chanson baptisée Why did you leave me. Dans les faits, c’est sur la suggestion d’un de ses amis que Quin Ivy, le propriétaire d’un magasin de disques de Sheffield qui vient de créer son propre studio baptisé Norala, invite l’Esquire Combo à une audition. Séduit par le chant de Percy, Ivy, avec son collaborateur habituel Marlin Greene, commence à travailler autour de la chanson phare du groupe. Après plusieurs semaines de travail, et sans qu’il soit réellement possible de distinguer la contribution précise de chacun, le morceau, rebaptisé When a man loves a woman, est finalisé. Il est attribué à Calvin Lewis et Andrew Wright, deux membres des Esquires, sans doute parce qu’ils sont à l’origine de la mélodie originale. Grâce à l’aide de Rick Hall, le patron du studio de Fame, la chanson a été transmise à Jerry Wexler, qui propose à Ivy de publier le disque sur Atlantic.


Avec son épouse Rosa à Baton Rouge, Louisiane, 25 avril 1982. © : Francois Arnault

Bien que When a man loves a woman soit aujourd’hui considéré comme un exemple du son de Muscle Shoals, c’est dans le studio Norala qu’a été enregistré le morceau, avec des musiciens habitués des séances chez Fame : Spooner Oldham, qui joue l’introduction désormais mythique sur un petit orgue Farfisa rouge, Roger Hawkins à la batterie, Junior Lowe à la basse, Marlin Greene et Don Srygley aux guitares. Une section de cuivres locale complète l’ensemble. À l’écoute, Jerry Wexler est mécontent de l’enregistrement, jugeant les cuivres faux, et demande à ce qu’une nouvelle version soit réalisée. Suite à une erreur chez Atlantic, c’est cependant la première version qui est pressée sur le 45-tours… Publié en mars 1966, When a man loves a woman connaît immédiatement un immense succès : premières places pop et R&B dans Billboard, quatrième place du hit-parade anglais et même première place du classement des artistes étrangers dans Salut les Copains ! La chanson fait également l’objet d’une reprise féminine quasi simultanée par Esther Phillips. À l’occasion d’une fête organisée par Atlantic en mai, les deux interprètes en donnent une version dantesque – les témoins parlent de dix-neuf chorus avant de parvenir au final –, accompagnés par l’orchestre de King Curtis avec Jimi Hendrix à la guitare…


Porretta, 24 juillet 1999. © : Brigitte Charvolin

Lancée de façon aussi spectaculaire, la carrière de Percy se poursuit avec une série de 45-tours de niveau comparable qui, s’ils n’atteignent pas le succès de When a man loves a woman, permettent au chanteur et à ses musiciens d’inventer le modèle de la ballade soul sudiste, autant influencée par l’expressivité du gospel que par le goût des histoires de la country. Parmi les titres les plus notables de cette période figurent Warm and tender love, It tears me up, Take time to know her et Out of left field. Le succès stoppe cependant rapidement, dès la toute fin des années 1960, et des merveilles comme la reprise de True love travels on a gravel road passent inaperçues du grand public. Percy continue à enregistrer occasionnellement et à se produire partout dans le monde. Ses prestations dans l’Afrique du Sud de l’apartheid lui valent d’ailleurs de nombreuses condamnations.


Porretta, 24 juillet 1999. © : Stéphane Colin

Sa carrière est relancée à la fin des années 1980, quand When a man loves a woman retrouve les classements suite à son utilisation dans une publicité. L’intérêt renouvelé lui permet de retourner en studio en 1994 pour un album très réussi, « Blue Night », suivi dix ans plus tard du moins convaincant « Shining Through the Rain ». Mais c’est toujours la même chanson que viennent entendre les admirateurs qui se pressent aux concerts qu’il donne, éternel sourire aux lèvres, jusqu’à ce que la maladie l’en empêche. Diverses compilations reprennent les plus grands succès de Percy Sledge – attention cependant aux anthologies bon marché constituées de médiocres versions tardives –, et le très beau coffret « The Atlantic Recordings » paru en 2010 mérite d’être recherché pour approfondir l’œuvre et la carrière de l’un des fondateurs de la soul sudiste.
Frédéric Adrian