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Brèves / 08.01.2015

Be Charlie

Au tournant des années 1970, mes lectures illustraient un certain éclectisme. Ou plus sûrement une indécision certaine. Mes magazines favoris s’appelaient Rock & Folk, Best, Montagnes Magazine, Alpinisme & Randonnée, Hara-Kiri… De ce dernier, j’aimais découper des extraits que je placardais çà et là. C’était du meilleur goût bête et méchant, ainsi cette page qui trônera longtemps dans mes toilettes, surtout pour sa légende culte : « Chiez dur, chiez mou, mais chiez dans l’trou ! ». Je découvrais ces humoristes à mes yeux irrésistibles (ils le demeurent), que j’aimais alors qualifier de caustiques. Dans le sillage du professeur Choron et de Cavanna, ils s’appelaient Reiser, Serre, Cabu, Wolinski… Tignous et Charb, encore trop jeunes, s’inviteront plus tard dans cette cour. Les quatre derniers cités ont rejoint leurs pairs hier 7 janvier 2015, lors d’un attentat terroriste à la rédaction parisienne de Charlie Hebdo qui a coûté la vie à huit autres personnes. Comme on part en résistance, nous tenions ici à rendre hommage à Cabu, Wolinski, Tignous et Charb, garants de libertés fondamentales (en tête, celle de la presse) dont nous devons tous rester les continuateurs.

Nous le ferons un peu à notre manière, avec comme prisme la musique dont nous voulons croire qu’elle sait rassembler. D’autant que Cabu était aussi un passionné de jazz, dont il aimait dire qu’il l’aidait à gérer le stress (dans Dessinateurs de presse, Glénat, 2014) : « Je pense que dessinateur c’est le plus beau des métiers. Et puis quand tu aimes le jazz, tu n’es pas dépressif. » Collaborateur ponctuel de Jazz Hot dans les années 1960, il a ensuite signé les couvertures des anthologies (deux CD) de la collection « Cabu Jazz Masters ». Et aux côtés des plus grands du jazz depuis les origines de cette musique, il a aussi croqué quelques représentants de musiques « sœurs » comme le blues et la soul. Nous avons choisi quelques-uns de ces dessins pour illustrer cet hommage.
Daniel Léon

L’éditeur Glénat, pour lequel les quatre dessinateurs victimes de la tuerie ont signé de nombreux ouvrages, étant également mon employeur, je tiens tout particulièrement à publier ici le communiqué officiel des éditions Glénat :
«Parmi les douze personnes assassinées ce mercredi 7 janvier 2015 à la rédaction de Charlie Hebdo, quatre auteurs proches des éditions Glénat sont morts parce qu’ils défendaient leurs idées, leur vision du monde, leur bonheur de toujours dessiner notre vie quotidienne. Lâchement exécutés dans leurs bureaux parisiens par des individus lourdement armés, ils sont morts au champ d’honneur de la liberté de la presse. Toutes les équipes des éditions Glénat, choquées par l’annonce de la disparition de leurs amis, font part de leur solidarité avec l’ensemble des journalistes, dessinateurs de presse et auteurs, qu’elles côtoient tous les jours dans leur travail et qui se sentent aujourd’hui aussi menacés. La maison d’édition Glénat s’associe à la douleur des familles et des proches des nombreuses victimes, dont les policiers qui les protégeaient. Jacques Glénat, qui débuta comme garçon de courses à Charlie Hebdo, pleure ses maîtres Wolinski et Cabu et leurs jeunes disciples Tignous et Charb. »